Dimanche
16 novembre, 06h50. Le réveil claironne, mais j’ai
les yeux ouverts depuis un certain temps déjà. Je
me lève à peine que l’inquiétude me vient
:
est-ce qu’elle sera là? Je redoute le problème
de dernière minute…
J’arrive
au Wimbledon Tennis Club de Waterloo vers 8h15 au volant d’Elise.
Quelques superbes ancêtres sont présents, je me gare
auprès d’eux. Un petit parking est réservé
aux Supercars actuelles, comme Lamborghini Gallardo, Aston Martin
V8 Vantage et Vanquish S, Maserati Quattroporte, Audi R8 et RS6,
Dodge Viper, Jaguar XKR, BMW M3 Cabriolet, Porsche 996 GT3RS et
997 Phase2 Cabriolet, Bugatti Veyron et… «ma»
Porsche Carrera GT.
Les personnalités débarquent également : Vanina
Ickx, Eric Van de Poele, Frédéric Bouvy, Jean-Michel
Martin, Eddy Merckx, Enzo Scifo, Georges Grün, Andé
Lamy, Alain Simons, Gaëtan Vigneron, Pierre Van Vliet …
et Willy Braillard, ancien pilote belge des années 60 et
70 (monoplace, rallye, circuit dont les 24 Heures du Mans), qui
sera mon chauffeur d’un jour. Tous sont réunis pour
le Télévie, association de lutte contre la leucémie
à laquelle les fonds récoltés seront versés.
Tout est parti de là, en vérité.
La
semaine précédente, j’avais reçu un mail
parlant de ce rallye et permettant de gagner une place aux côtés
d’Eric Van de Poele dans la Maserati Quattroporte. Mais les
autres places de passager dans ces voitures de luxe étaient
mises aux enchères pour le Télévie. J’ai
tenté ma chance en faisant un don et… je l’ai
remportée. Tandis que les participants s’élancent,
je mets ma veste dans le coffre de la Carrera GT, je salue Willy
qui a réveillé les 10 cylindres il y a quelques minutes
déjà et m’installe à ses côtés.
L’accès à bord ne serait pas des plus aisés
pour grand-mère, mais j’ai l’habitude avec Elise.
Bien que ravi, je ne peux m’empêcher de me demander
si je ne serai pas déçu : la météo est
maussade et menaçante, les routes humides, et j’imagine
que D’ieteren, qui a prêté la voiture, aspire
à la récupérer entière.
Première
enclenchée. Doucement, l’auto s’élance
et s’arrête au bord de la chaussée, attendant
que les Policiers arrêtent la circulation. Le minuscule embrayage
en céramique et la course réduite de la pédale
rendent le dosage très délicat. Il ne faut pas le
faire trop patiner, ni relâcher brutalement sous peine de
caler le moteur. Il convient de caresser le point de patinage puis
d’envoyer la sauce en retirant le pied rapidement pour éviter
les à-coups. Evidemment, lorsqu’on libère 612
purs-sangs élevés à l’octane sur une
chaussée glissante, ça ne fait pas dans la dentelle.
Généreux travers parfaitement maîtrisé
aux pieds de l’Agent de Police et démoniaque accélération
jusqu’au troisième rapport, quand Willy relâche
progressivement les gaz pour que les seules roues arrières
motrices reprennent un peu d’adhérence et calment le
jeu. Mes vertèbres se remettent dans l’ordre, je retire
mes ongles enfoncés dans la coque de mon Nikon. Quelques
secondes de silence. «Bon, et bien je crois que les présentations
sont faites!» dis-je en riant nerveusement…
Nous nous calons gentiment derrière Vanina Ickx et son Audi
R8.
L’atmosphère
détendue, nous engageons la conversation. J’apprends
que Willy a déjà conduit cette Carrera GT sur circuit
lors de la parade des 24 Heures de Spa pour les 60 ans de la marque.
Elle accuse maintenant près de 12.500km, mais elle est dans
un état impeccable. Bien que fort bruyante à l’intérieur
de part son insonorisation inexistante (le niveau sonore est comparable
à mon Elise échappement sport!), les gros pneus qui
induisent un bruit de roulement conséquent et le moteur à
ras des oreilles, je ne constate aucun bruit de mobilier, même
sur les pavés de Ittre. C’est Porsche, c’est
allemand, la finition est parfaite, bien que le cuir brun ne soit
pas de mon goût. Pas de gadgets, rien pour se distraire à
part la radio que nous nous sommes empressés d’éteindre
pour mieux profiter des jappements du V10.
Parlons-en,
du moulbif. C’est quand même la pièce maîtresse
de cette Porsche, ce que distingue le nectar de la lie automobile.
Il ne ronronne pas, il aboie! Le bruit – pardon, la symphonie
– est magnifique, sublime. Willy n’hésite pas
à amuser les foules avec quelques montées en régime
bien senties devant les spectateurs. Les gens se retournent sur
notre passage, les chats se taillent en vitesse, les chiens hurlent
à la mort, les oiseaux se taisent, les dentiers des vieux
retournent tout seuls sur leur table de nuit, les femmes enceintes
perdent les eaux.… euh enfin, disons que ça donne dans
le spectaculaire. J’ignore si nous avons rendu des gens heureux,
mais moi, ça m’aurait plu! Nous arrivons dans un tunnel
sur la petite ceinture de Charleroi. Instinctivement, j’abaisse
ma vitre. Willy comprend le message, enquille la 2ème avec
le petit coup de gaz qui va bien et fait ricocher la musique des
échappements jusqu’à mes oreilles. Je ne peux
m’empêcher d’éclater de rire. Le bonheur,
c’est simple, finalement.
Ce
moteur ne s’exprime pleinement qu’en conduite sportive,
bien entendu. L’absence d’inertie de son léger
volant-moteur le rend extrêmement vif, tel un moteur de course.
Il a les gènes de la compétition, et ça s’entend!
Willy a pu mettre pied au plancher plusieurs fois lors du parcours,
sur autoroute ou nationale (c’est là que vous commencez
à tomber amoureux des ronds-points et des relances qui s’en
suivent), malgré le revêtement souvent glissant. La
poussée est physique et vous appréciez que le dossier
du siège soit revêtu de cuir et non de peau de planche
de Fakir! Contrairement aux moteurs turbocompressés modernes
qui poussent tout le temps mais sans brutalité, ce 5.7 litres
n’est pas linéaire mais envoie de plus en plus, jusqu’à
exploiter pleinement les 612 chevaux perchés à 8000
tours. Impressionnant! Un vrai caractère.
La
mise en vitesse est également explosive : moins de 10 secondes
pour atteindre les 200 km/h depuis l’arrêt. Autant dire
que sur autoroute à vitesse légale, le moindre soubresaut
au pied droit vous catapulte à des vitesses que la décence
m’interdit d’évoquer ici. Pratique pour rattraper
le groupe des participants, un peu moins pour garder son permis.
Mais méfiance! Le Traction Control est resté engagé
tout au long, mais il est plutôt du genre permissif. Il n’est
pas rare de devoir empêcher les roues arrière de passer
devant, même sur le troisième rapport. Coupleux (590Nm
pour un atmosphérique, c’est remarquable), le V10 repart
à bas régime sans sourciller. C’est heureux,
car la boite de vitesse requiert de la précision dans le
geste et de la concentration. La grille est très rapprochée
et il est courant de passer la 5ème au lieu de la 3ème
ou de peiner à passer un rapport. Personnellement, j’apprécie
que Porsche ait choisi un levier classique, plutôt qu’une
«flappy pedal gearbox», pour reprendre une
expression chère à Jeremy Clarkson.
Après
une étape chez August, spécialiste Porsche situé
à Ohain, où j’ai pu m’extasier devant
un 550 Spyder et son James Dean en plastique grandeur nature, une
907 courte produite à 13 exemplaires, une 2,7RS plus neuve
qu’en 1973 et autres merveilles (Alpine A110, Ferrari 275GTB,
Porsche 993 Supercup, j’en passe), nous retournons sur Waterloo
pour assister à la vente aux enchères d’un casque
de Jacky Ickx datant de 1978, toujours pour le Télévie,
remporté par un Eric Van de Poele visiblement heureux. S’en
suit un tournois de Tennis disputé par les personnalités
dans une ambiance très conviviale. Obtenir un signe de tête
d’Eddy Merckx ou manger à côté de Marc
Hermann qui n’en rate pas une, fait également partie
du plaisir que l’on prend lors d’une telle journée.
C’est le sourire aux lèvres que je remonte dans l’Elise,
qui me paraît à présent bien fade…
Voici
2 liens vers d'autres photos, prises par 2 photographes pro:
http://www.okit.be/tel/index.php?option=com_rsgallery2&Itemid=71&gid=73
http://www.okit.be/tel/index.php?option=com_rsgallery2&Itemid=71&gid=64
Liste
des personnalités et leur montures:
-
Enzo Scifo sur Aston Martin V8 Vantage
-
Frédéric Bouvy sur Aston Martin Vanquish S
-
Vanina Ickx sur Audi R8
-
Christophe Rochus sur Audi R8
- Kristof Vliegen sur Audi RS6 Avant
- Eddy Merckx sur Bentley Continental GT Speed
- Jean-Michel Martin sur BMW Z8 Alpina
- Jean-Pierre Vanden Berghen sur Bugatti Veyron
- Jérôme D'Ambrosio sur Dodge Viper SRT-10
- Pierre Van Vliet sur Ferrari 360 Modena
- André Lamy sur Jaguar XKR
- George Grün sur Lamborghini Gallardo LP560-4
- Gaëtan Vigneron sur Lexus SC 430
- Eric Van de Poele sur Maserati Quattroporte
- Rodrigo Pessoa sur Mercedes CL 63 AMG
- Willy Braillard sur Porsche Carrera GT
- Olivia Borlée sur Porsche 997 Cabriolet 4S
|